"Cher Manuel"
Lors de la visite de François Hollande à Evry le 22 février dernier, tu as jugé mon attitude "inacceptable" parce que j'ai refusé de me plier au diktat du "pool".
Je me permets ici de te renvoyer le compliment.
Est-ce inacceptable pour une journaliste localière présente toute l'année sur le terrain pour couvrir l'actualité locale - que d'être là lors d'un événement comme la venue d'un candidat à l'élection présidentielle?
Est-ce inacceptable pour une journaliste de vouloir choisir les images qu'elle va enregistrer selon la ligne éditoriale qu'elle s'est fixée?
Au nom de la constitution d'un "pool images" - dont les médias locaux étaient exclus - le service de communication du candidat Hollande que tu diriges - a tenté de me faire sortir d'une rencontre organisée dans les locaux de Génopole où ma présence n'était pas jugée opportune ...(un de mes confrères photographe a eu encore moins de chance il s'est carrément fait virer)
Parlons-en de ce "pool" décidément très à la mode et qui consiste à autoriser des médias triés sur le volet à réaliser des images qui sont ensuite "généreusement" et "gracieusement" cédés aux pauvres péquenots qui n'ont pas pu - ou su - bénéficier du sésame indispensable, la fameuse "accréditation" !
Accréditations délivrées par qui au fait? Par une poignée d'attachés de presse aux ordres ? (je précise que j'avais pris la précaution de demander une accréditation auprès du service de presse de FH2012 ...)
Et au nom de quoi le staff d'un candidat en campagne s'arroge-t-il le droit de décider et de choisir qui va ici où là? Quelles sont ses compétences pour le faire? La notoriété? la connivence? le copinage?
Le risque avec ces pratiques que certains trouvent "si pratiques" est qu'on en arrive à une information aseptisée, uniforme, calibrée mais qui présente pour vous autres communicants l'énorme avantage d'être relativement contrôlée, voire totalement sous contrôle quand vous faites appel à des sociétés de production spécialisées qui relèguent les journalistes dans des fonds de salle bien loin de là où les choses se passent.
Car on sait bien ce qui vous motive tous à agir de la sorte, c'est la crainte du tête à queue, de la petite phrase de trop qui pourrait faire déraper une campagne, ou ternir une image (cf Jospin à Evry en mars 2002 si désemparé face aux salariés de LU...)
Alors principe de précaution et du moindre risque oblige, on forme des "pools", on décide des accréditations pour limiter les dégâts - et qu'on ne nous fasse pas croire que c'est parce que les lieux sont exigus ou qu'il s'agit d'un site sensible, les journalistes ne sont pas des irresponsables et on sait très bien faire la différence entre des tournages compliqués ou acrobatiques et des exclusions arbitraires !
Cette attitude liberticide constitue selon moi une négation du rôle de la presse et des journalistes - notre rôle étant d'aller chercher l'info et de rendre compte d'événements en étant là où la plupart des gens ne peut aller - c'est aussi une dérive dangereuse.
Ce jour-là en voulant me faire quitter la salle (ou du moins arrêter d'enregistrer) au nom du respect de ce foutu "pool", tu m’as blessée et mise en colère d'autant que s'il y a bien une journaliste qui était intéressée par ce qui s'est dit pendant cette réunion si cadrée, c'est bien moi! Je suis d'ailleurs la seule à en avoir parlé.
Je n'accepte pas et je n'accepterai jamais ces tentatives de décérébration parce qu'exercer mon libre arbitre est vital et que j'ai largement dépassé l'âge de me plier aux injonctions d'où qu'elles viennent et surtout pas de celles des staffs des candidats en campagne dont certains éléments sont non seulement grossiers mais aussi incompétents.
Des candidats par ailleurs si prompts à clamer bien haut leur volonté de défendre une presse libre et indépendante mais qui sur le terrain laissent leurs équipes se comporter avec suffisance, mépris et arrogance vis-à-vis de la presse locale.
La même qui est présente toute l'année sur le terrain ... et sans avoir besoin d'accréditation !
Cela étant je regrette le silence de mes "confrères" qui acceptent de se plier sans broncher à cette règle imposée par des communicants boursouflés par leur importance et qui au final ne font que desservir leur candidat en en faisant des marionnettes et entre nous je pense que certains valent bien mieux que cela.
Saches donc mon "cher Manuel" que je ne changerai pas de comportement et que je continuerai à ne pas comprendre, ni accepter de me faire imposer la façon de faire mon métier ....
J'ajoute que ce type d'attitude est malheureusement largement partagé par tous les staffs des candidats en campagne et que déjà en 2007 j'avais eu "le plaisir" de me coltiner aux mêmes comportements (voir le billet Arrogance partagée) »
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